Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Cinq ou six pistoles ! s’écria Cogolin enthousiasmé. Ah ! monsieur, pour un jour encore, laissez-moi m’appeler Lachance !

— Prends donc ces pistoles dans ma bourse, rends-toi à la grande friperie de la halle, emporte ces habits qui sont déchirés, et, sur leur mesure, rapporte-moi un équipement complet. En échange de l’habillement que tu emportes, tu te procureras une tenue qui convienne au valet du chevalier de Capestang. Va, Cogolin, et, en revenant rapporte-nous les éléments d’un bondîner."


Il était huit heures du matin lorsque Capestang revêtu de son nouvel équipement et Cogolin complètement transformé descendirent de la mansarde. Le chevalier, après un repas sommaire, que son nouveau valet lui servit sur le couvercle du coffre, avait dit :

"Maintenant, prends ce que tu possèdes de plus précieux, dis adieu à ton logis, et suis-moi.

— Le seul objet précieux que je puisse emporter d’ici, c’est moi-même, avait répondu Cogolin.

— En route, donc, et rappelle-toi ceci : quand je marcherai dans la rue, tu me suivras à trois pas si nous sommes à pied, à six pas si nous sommes à cheval, comme font les valets des gentilshommes. Tu auras soin qu’on voie bien que tu es à moi. Tu ne parleras que si je t’interroge. Pour le reste, nous verrons."

Là-dessus, Capestang, tout heureux d’avoir un valet à lui – nous croyons avoir indiqué qu’il était un peu glorieux – tout joyeux de sentir que ses blessures le gênaient à peine, ivre du bonheur de vivre après s’être vu si près de la mort, l’air conquérant, la fine moustache retroussée, la démarche assurée, la main sur la garde de sa rapière, se mit en quête d’une auberge pour s’y loger avec ses gens, c’est-à-dire Cogolin.

Parvenu rue de Vaugirard, il tourna d’instinct à droite, c’est-à-dire vers cette partie de la rue qui, après les Carmes-Déchaussés, devenait simple route, avec des maisons de plus en plus espacées, soit qu’il songeât à ménager sa bourse en se logeant loin du centre, soit qu’il cherchât un abri plus sûr dans la solitude. Comme il s’avançait suivi de Cogolin qui maintenait rigoureusement sa distance de trois pas, le chevalier