Page:Zaccone - Éric le mendiant - Un clan breton, 1853 .djvu/120

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ture, aux formes herculéennes, et qui semblait avoir vécu autant que les grands chênes de la forêt : son front était entièrement chauve ; une longue barbe blanche descendait gravement sur sa poitrine.

Dès qu’il vit Pialla, il leva les yeux au ciel, et, en étendant ses mains vers elle :

— Pialla ! s’écria-t-il, est-ce bien vous, seule, et à cette heure ?

— Mon père, répondit Pialla, c’est bien votre fille qui vient vous voir, seule et à cette heure.

— Je rends grâces aux dieux, mon enfant, dit le vieillard. Je me souviendrai de ce moment comme d’un moment heureux ; et depuis longtemps ils ont été rares, ajouta-t-il avec un son de voix plein d’amertume.

Et comme il voulait entraîner Pialla dans l’enceinte druidique, elle hésita.

— Mon père… je ne puis… dit-elle en balbutiant. Le vieux druide la regarda étonné.

— Et pourquoi ne pouvez-vous, Pialla ? pourquoi tardez-vous plus longtemps à venir avec moi prier les dieux qu’ont priés vos pères ?

Pialla se laissa tomber à genoux devant le vieillard et levant vers lui ses mains jointes :

— Mon père, s’écria-t-elle, je suis chrétienne.

À cet aveu inattendu, le vieillard saisit lentement les mains brûlantes de la jeune fille dans ses deux mains glacées et les serra avec une douleur résignée.

— Et vous aussi ! dit-il.

La lune jetait en ce moment un de ses plus pâles rayons sur son visage, Pialla put voir deux larmes couler le long de ses joues creuses et hâves.

Le lecteur l’a déjà deviné sans doute ; le vieillard dont nous venons de parler était un débris de l’ancienne religion druidique que la religion nouvelle