Page:Zaccone - Éric le mendiant - Un clan breton, 1853 .djvu/121

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du Christ avait forcé de se réfugier au milieu des forêts ; c’est là qu’il vivait, oubliant parmi les vieux témoins de sa gloire éclipsée, qu’il avait été naguère l’interprète imposant de dieux redoutés, s’identifiant, en quelque sorte, avec le monument de granit qu’il habitait, et personnifiant, si je puis m’exprimer ainsi, l’idée représentée par ces blocs informes de pierres superposées. C’était un obstacle inanimé placé sur la route du christianisme, et que le christianisme essaya longtemps, mais en vain, de faire disparaître du sol. Vers cette époque, il se tint à Nantes un concile où il fut ordonné aux évêques et à leurs ministres de s’opposer avec le plus grand zèle à ce que le vulgaire, qui adorait et avait en si grande vénération les arbres consacrés aux démons se permît d’en couper soit un rameau soit une greffe. Il leur était enjoint de faire arracher ces arbres avec les rameaux, et de les brûler en entier. Les pierres sacrées devaient être aussi détruites de fond en comble, et jetées en tel lieu qu’elles ne pussent jamais être trouvées par leurs adorateurs : ces ordonnances n’avaient pas fait disparaître ces restes d’un autre âge que l’imagination populaire ne pouvait se résoudre à ne plus adorer ; mais les ministres officiels du culte banni s’étaient vus obligés de suspendre leurs cérémonies et de fuir loin des lieux où le culte triomphant avait établi ses autels. Le lecteur doit comprendre quelle douleur ce dut être pour le vieux druide que nous introduisons dans ce récit d’apprendre la conversion de Pialla. Il l’avait connue enfant ; il lui avait presque servi de père, et bien souvent il évoquait encore le souvenir des années heureuses pendant lesquelles elle venait quelquefois écouter sa grave et consolante parole. Il la fit asseoir près de lui, et la regarda ainsi pendant quelque temps ; Pialla n’osait lever les yeux ;