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Page:Zaccone - Éric le mendiant - Un clan breton, 1853 .djvu/122

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elle avait presque regret d’être venue, et cherchait peut-être un prétexte pour s’éloigner sans dire les secrets qu’elle voulait lui confier.

— Vous êtes chrétienne, dit enfin le vieillard, vous adorez un autre dieu que celui de vos pères, mon enfant ; vous avez fui les autels près desquels sont venus s’agenouiller vos ancêtres pour vous approcher d’un autre autel, et adopter un culte nouveau que nous ont apporté des étrangers ! vous avez jeté l’oubli sur la foi de votre enfance, et votre foi est morte pour renaître dans une nouvelle religion. Si, en reniant de cette manière le passé pour un avenir incertain, vous avez fait quelque chose pour votre bonheur, je prierai mes dieux de ne point vous maudire, et ils vous prendront peut-être en pitié. — Parlez-moi donc franchement, Pialla, et dites-moi ce que vous ont appris les ministres du dieu que vous servez.

— Je n’ose, fit Pialla.

— Êtes-vous heureuse ?

— Oh ! mon père !

Il y avait dans ce cri spontané une si déchirante expression, tant de douleur mal déguisée, tant de secrets mal retenus, que le vieux druide ne put s’y tromper ni réprimer un geste d’étonnement.

— Qu’avez-vous donc ? demanda-t-il.

— Mon père, mon père, je suis bien malheureuse !

— Parlez.

— Je ne puis…

— Doutez-vous de moi ?

— Oh ! je ne serais pas venue.

— Achevez, alors.

— Eh bien !

Et comme si elle avait tout à coup deviné ce qui était resté jusqu’alors un mystère pour elle, ce qui s’était passé dans son cœur, ce qu’elle avait senti,