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ÉRIC LE MENDIANT.

côte, et, l’on doit le dire, le voisinage d’une pareille institution est pernicieux pour les campagnes qui entourent cette ville ; non que nous entendions prétendre que le sens moral y soit plus perverti, que l’on y rencontre plus de criminels que dans tout autre lieu ; Dieu nous garde d’exprimer une pareille pensée. Mais il nous semble que le bagne doit rayonner tristement sur les environs. Il s’échappe presque tous les jours un ou deux forçats de Brest, et ces forçats se répandent d’habitude dans les communes qui l’entourent ; quelquefois ils y séjournent ; c’est une dangereuse compagnie ; ce sont de terribles professeurs de vol et d’assassinat. Il ne faut pas laisser l’esprit populaire se familiariser avec ces épouvantails nécessaires ; il faut craindre qu’ils ne deviennent de sanglants soliveaux !

Éric s’était vite formé à cette école : le premier pas était fait ; il entra de plain-pied dans cette voie terrible, et, comme on l’a vu dans le chapitre précédent, il s’était assez bien acquitté de sa première affaire.

Octave examinait donc Éric le mendiant et hésitait à l’interroger.

Éric se trouvait gêné par cette espèce d’examen dont il était l’objet ; il craignait à chaque instant qu’Octave ne vînt à rappeler ses traits et à le reconnaître, et il ne lui convenait pas, dans le moment du moins, de renouveler connaissance.

Il recommença donc ses propositions.

— Monsieur veut peut-être un guide pour visiter les environs, reprit-il avec le même ton paterne ; quoique je ne sois plus aussi ingambe que je l’ai été, je pourrai cependant lui être de quelque utilité, et personne ne connaît la côte mieux que moi. Tel que vous me voyez, j’ai fait autrefois jusqu’à vingt lieues dans ma journée.