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Page:Zaccone - Éric le mendiant - Un clan breton, 1853 .djvu/87

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ÉRIC LE MENDIANT.

cessité a aigri son caractère, peut-être troublé sa raison, et j’ai souvent pensé que, dans le but d’éloigner de nous les curieux et les indiscrets, il avait lui-même répandu le bruit de ma folie.

— Est-ce possible ?

— Mon père m’aimait tant, qu’il craignait de me perdre une seconde fois.

Comme ils en étaient là de leur entretien, un grand cri retentit tout à coup dans la ferme, et un épais tourbillon de fumée l’enveloppa tout entière.

La vieille servante accourut effarée auprès des deux amants.

— Que le bon Dieu nous protège ! s’écria-t-elle dès qu’elle aperçut la jeune fille, le feu est à la grange !

— Le feu ! dit Marguerite.

— Le feu ! répéta Octave.

Et tous les deux s’élancèrent au dehors pleins d’épouvante et d’anxiété.

En quelques minutes l’incendie avait fait de rapides progrès. Le feu avait trouvé dans la grange un aliment terrible, et maintenant les flammes grimpaient avec activité le long des murs, dévorant les solives, trouant le toit de chaume, lançant vers le ciel des flots de fumée et d’étincelles.

La nuit était épaisse et noire ; le vent soufflait avec force, venant de la côte, et les flammes traçaient alentour d’éclatants sillons.

Octave se multipliait sur tous les points ; Marguerite pleurait de désespoir, appelant son père absent : c’était un sombre et lugubre tableau.

Un incendie est toujours un événement redoutable ; mais à la campagne, loin de tout secours organisé, un pareil sinistre acquiert en peu de secondes des proportions considérables. On avait envoyé au Conquet pour demander des bras, et rien n’arrivait. Marguerite songeait à son père ; cette ferme était