Page:Zevaco - Le boute-charge, 1888.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
LE BOUTE-CHARGE

expansif, — ou peut-être trop sensitif — pour se livrer au courant extérieur. Il eut désormais une affection : Fend-l’Air satisfit à tous les appétits de ce cœur poète. Cette âme hirsute se rua dans cette passion sans se demander si elle aurait un côté grotesque à force de sentimentalisme. Elle ne s’analysa pas ; elle fut heureuse de trouver à vivre. Lui, si concentré, devint bavard avec « son vieux. » Il passait des heures dans son intervalle, lui causait breton, tournait autour de lui, le flattait du geste et de la parole. Et c’était touchant de voir ce cheval hargneux se coller contre le mur pour faire place à Bernard, s’écarter doucement pour ne pas le froisser soulever le sabot lorsque le cavalier se baissait pour fouiller un coin de litière, tourner sa grosse tête osseuse pour suivre ses mouvements. Il y avait alors dans l’œil de la bête une si belle expression de tendresse, des lueurs si humainement affectueuses, que leur amitié semblait toute naturelle. Fend-l’Air atteignit ainsi ses dix-sept ans. Et si ses membres raidis avaient peine à le