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TRIBOULET

Ces derniers mots produisirent sur François Ier un prodigieux effet…

Il fut agité d’un tremblement convulsif…

Il oublia ce qui l’entourait, ne vit plus que Margentine… sa maîtresse !…

Il bégaya :

— Gillette !… Ta fille !… Dieu ! Dieu ! Ces choses sont possibles !…

La mère, sans doute, ne l’entendit pas, toute à sa démence.

De sa voix infiniment douce, pareille à une caresse, elle continuait :

— Gillette… un joli nom… n’est-ce pas ?… Voilà du temps que je la cherche… C’est à Blois que je l’ai perdue… Connaissez-vous Blois ?… Elle a six ans, la pauvre mignonne… À Blois, je vous dis… Là, j’ai aimé… oh ! aimé… aimé…

Et soudain, violente, farouche :

— François !… Où est ta fille ?…

— Oh ! murmurait François anéanti. Ceci est affreux… C’est ma fille que j’aime… C’est sur ma fille que j’ai porté les mains… C’est ma fille qui est là !…

Il regarda avidement la folle…

Il allait lui parler, peut-être !…

Peut-être une flamme jaillie des lointaines amours de sa jeunesse allait-elle éclairer les ténèbres de sa pensée !

À ne moment, un roulement sourd… Quelque chose passa dans un grand tumulte… une voiture lancée au galop, courant dans la nuit, avec on ne savait quoi de mystérieux et de sinistre, comme si elle eût emporté le secret de quelque drame abominable…

Margentine vit la voiture…

Une idée nouvelle frappa sa pauvre cervelle, et elle s’élança, avec une clameur :

— On m’enlève ma fille !…

Un instant plus tard, elle avait disparu.

Au loin, le roulement grondait…

Pétrifié, François Ier regardait…

Les soldats n’osaient faire un geste.

Il paraît que l’officier a écrit plus tard qu’il avait vu le roi faire un mouvement comme pour s’élancer à son tour, puis, qu’il s’était arrêté, passant ses deux mains sur son front, poussant des soupirs semblables à des sanglots, mur-