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LES VOLEURS ET L’ÂNE

soleil se tromperait, s’y oublierait le soir, croyant se coucher dans une nue. Mais je cherche en vain. Les hommes sont des méchants.

Nous étions arrivés en face d’une île. Je dis aux rameurs de nous y descendre. J’avais déjà un pied à terre, lorsque Antoinette se récria, trouvant l’île laide et sans feuillages, déclarant qu’elle ne consentirait jamais à nous abandonner sur un pareil rocher. Léon n’avait pas bougé de son banc. Je repris ma place, nous continuâmes à monter.

La jeune femme, avec une joie d’enfant, se mit à décrire le nid qu’elle rêvait. La chambre devait être carrée ; le plafond, haut et voûté. La tapisserie des murs serait blanche, semée de bluets liés en gerbe par un bout de ruban. Aux quatre angles, il y aurait des consoles chargées de fleurs ; au milieu, une table, également couverte de fleurs. Puis, un sopha, petit, pour que deux personnes assises y tiennent à peine, en se pressant beaucoup ; pas de glace qui égare le regard dans une coquetterie égoïste ; des tapis et des rideaux très épais, pour étouffer le bruit des baisers. Fleurs, sopha, tapis, rideaux, seraient bleus. Elle mettrait une robe bleue, et n’ouvrirait pas la fenêtre, les jours où le ciel aurait des nuages.

Je voulus à mon tour orner un peu la chambre. Je parlai de cheminée, de pendule, d’armoire.

― Mais, me dit-elle étonnée, on ne se chaufferait pas, on n’aurait que faire de l’heure. Je trouve votre armoire ridicule. Me croyez-vous assez sotte pour