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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/134

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LES VOLEURS ET L’ÂNE

se sentant emportée, tendit le bras, et saisissant à son tour une racine. Elle s’y cramponna, appela à son secours, et cria qu’elle ne voulait pas aller plus loin. Puis, lorsque les rameurs eurent amarré le canot, elle sauta sur le gazon et vint à nous, toute vermeille de son exploit.

― Soyez sans crainte, messieurs, nous dit-elle, je ne veux pas vous gêner ; s’il vous plaît d’aller au nord, nous irons au midi.



IV


Je repris mon panier, je me mis gravement à chercher l’herbe la moins humide. Léon me suivait, suivi lui-même d’Antoinette et de ses amoureux. Nous fîmes ainsi le tour de l’île. Revenu à notre point de départ, je m’assis, décidé à ne pas chercher davantage. Antoinette fit encore quelques pas, parut hésiter, puis revint se placer en face de moi. Nous étions au nord, elle ne songeait point à aller au midi. Alors Léon trouva le site charmant et jura que je ne pouvais mieux choisir.

Je ne sais comment cela se fit, les paniers se trouvèrent côte à côte, les provisions se mêlèrent si parfaitement, lorsqu’on les étala sur l’herbe, que nous ne pûmes jamais reconnaître chacun notre bien. Il nous fallut avoir une seule nappe. Par esprit de justice, nous partageâmes tous les mets.