Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
SŒUR-DES-PAUVRES

d’un rayon de soleil. L’enfant, maintenant endormi sur ses genoux, souriait divinement dans son repos.

Sœur-des-Pauvres secoua sa tête blonde.

― Non, madame, répondit-elle, je n’ai aucun désir. Je voulais acheter cette poupée que vous voyez en face, mais ma tante Guillaumette me l’aurait brisée. Puisque vous ne voulez pas de mon sou pour rien, j’aime mieux que vous me donniez un bon baiser en échange.

La mendiante se pencha et la baisa au front. À cette caresse, Sœur-des-Pauvres se sentit soulevée de terre ; il lui sembla que son éternelle fatigue s’en était allée ; en même temps, il lui vint au cœur une plus grande bonté.

― Ma fille, ajouta l’inconnue, je ne veux pas que ton aumône reste sans récompense. J’ai, comme toi, un sou dont je ne savais que faire, avant de te rencontrer. Des princes, des grandes dames, m’ont jeté des bourses d’or, et je ne les ai pas jugés dignes de le posséder. Prends-le. Quoi qu’il arrive, agis selon ton cœur.

Et elle le lui donna. C’était un vieux sou de cuivre jaune, rongé sur les bords, percé au milieu d’un trou large comme une grosse lentille. Il était si usé, qu’on ne pouvait savoir de quel pays il venait, si ce n’est qu’on voyait encore, sur une des faces, une couronne de rayons à demi effacée. C’était peut-être là quelque monnaie des cieux.

Sœur-des-Pauvres, le voyant si mince, tendit la main, comprenant qu’un tel cadeau ne portait point