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SŒUR-DES-PAUVRES

préjudice à la mendiante, et le considérant comme un souvenir d’amitié qu’elle lui laissait.

― Hélas ! pensait-elle, la pauvre femme ne sait ce qu’elle dit. Les princes, les belles dames n’ont que faire de son sou. Il est si laid qu’il ne payerait pas seulement une once de pain. Je ne vais pas même pouvoir le donner à un pauvre.

La femme, dont les yeux brillaient de plus en plus, sourit, comme si l’enfant eût parlé tout haut. Elle lui dit doucement :

― Prends-le toujours, et tu verras.

Alors Sœur-des-Pauvres l’accepta, pour ne pas la désobliger. Elle baissa la tête, afin de le mettre dans la poche de sa jupe ; lorsqu’elle la releva, le banc était vide. Elle fut grandement étonnée et s’en revint, toute songeuse de la rencontre qu’elle venait de faire.



II


Sœur-des-Pauvres couchait au grenier, dans une sorte de soupente, où gisaient pêle-mêle des débris de vieux meubles. Les jours de lune, grâce à une étroite lucarne, elle voyait clair à se mettre au lit. Les autres jours, elle gagnait sa couche à tâtons, pauvre couche faite de quatre planches mal jointes et d’une paillasse dont les toiles se touchaient par endroits.

Or, ce soir-là, la lune était dans son plein. Une raie