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ET DU PETIT MÉDÉRIC

peu dormi la nuit précédente, et on comprenait, à la régularité de son souffle, qu’il ne prenait pas même la peine d’avoir des songes.

― Hé ! mon mignon ! lui cria Médéric.

Il leva la tête et regarda son compagnon d’un air inquiet, agrandissant les yeux et dressant les oreilles.

― Écoute, reprit celui-ci, et tâche de comprendre, s’il est possible. Je songe à notre avenir et je trouve que nous le négligeons beaucoup. La vie, mon mignon, ne consiste pas à manger de belles pommes de terre dorées et à se vêtir de splendides fourrures. Il faut, en outre, se faire un nom dans le monde, se créer une position. Nous ne sommes pas gens du commun, pouvant nous contenter de l’état et du titre de vagabonds. Certes, je ne méprise pas ce métier, qui est celui des lézards, bêtes à coup sûr plus heureuses que bien des hommes ; mais nous serons toujours à temps de le reprendre. Il s’agit donc de sortir au plus tôt de ce pays, trop petit pour nous, et de chercher une contrée plus vaste où nous puissions nous montrer à notre avantage. Sûrement, nous ferons vite fortune, si tu me secondes selon tes moyens, j’entends en distribuant des taloches d’après mes avis et conseils. Me comprends-tu ?

― Je crois que oui, répondit Sidoine d’un ton modeste ; nous allons voyager et nous battre tout le long de la route. Ce sera charmant.

― Seulement, continua Médéric, il nous faut un but pour nous ôter le loisir de baguenauder en chemin. Vois-tu, mon mignon, nous aimons trop le soleil, et nous