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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

serions bien capables de passer notre jeunesse à nous chauffer au pied des haies, si nous ne connaissions, au moins par ouï-dire, le pays où nous désirons nous rendre. J’ai donc cherché une contrée qui fût digne de nous posséder, et je te l’avoue, d’abord, je n’en trouvais aucune. Heureusement, je me suis rappelé une conversation que j’ai eue, il y a quelques jours, avec un bouvreuil de ma connaissance. Il m’a dit venir en droite ligne d’un grand royaume, nommé le Royaume des Heureux, célèbre par la fertilité du sol et l’excellent caractère des habitants ; il est gouverné en ce moment par une jeune reine, l’aimable Primevère, qui, dans la bonté de son cœur, ne se contente pas de laisser vivre en paix ses sujets, mais veut encore faire participer les animaux de son empire aux rares félicités de son règne. Je te dirai, une de ces nuits, les étranges histoires que m’a contées à ce sujet mon ami le bouvreuil. Peut-être, ― car tu me parais singulièrement curieux aujourd’hui, ― désires-tu connaître comment je compte agir dans le Royaume des Heureux. Dès à présent, et à ne juger les choses que de loin, il me semble assez convenable de me faire aimer de l’aimable Primevère, et de l’épouser, pour vivre grassement ensuite, sans souci des autres empires du monde. Nous verrons à te créer une position qui convienne à tes goûts, en te permettant de t’entretenir la main. Mon mignon, je jure de te tailler tôt ou tard une noble besogne, telle que le monde, dans mille ans, parlera encore de tes poings.