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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/199

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ET DU PETIT MÉDÉRIC

mais un tel caillou occasionnerait pour sûr un nouveau déluge. Je ne puis non plus la faire mettre brutalement à terre, au risque d’écorner une ville ou deux. Les cultivateurs pousseraient de beaux cris, si j’encombrais un champ de navets ou de carottes. Remarque, Sidoine, mon mignon, l’embarras où je suis. Les hommes se sont partagé le sol d’une façon ridicule. On ne peut déranger une pauvre montagne sans écraser les choux d’un voisin.

― Tu dis vrai, mon frère, répondit Sidoine. Seulement, je te prie d’avoir une idée au plus vite. Ce n’est pas que ce caillou soit lourd ; mais il est si gros qu’il m’embarrasse un peu.

― Viens donc, reprit Médéric. Nous allons le poser entre ces deux coteaux que tu vois au nord de la plaine. Il y a là une gorge qui souffle un froid du diable en ce pays. Notre caillou la bouchera parfaitement et abritera la vallée des vents de mars et de septembre.

Lorsqu’ils furent arrivés, et comme Sidoine s’apprêtait à jeter la montagne du haut de ses bras, ainsi que le bûcheron jette son fagot au retour de la forêt :

― Bon Dieu ! mon mignon, cria Médéric, laisse-la glisser doucement, si tu ne veux ébranler la terre à plus de cinquante lieues à la ronde. Bien : ne te hâte ni ne te soucie des écorchures. Je crois qu’elle branle, et il serait bon de la caler avec quelque roche, pour qu’elle ne s’avise de rouler lorsque nous ne serons plus ici. Voilà qui est fait. Maintenant les braves gens boiront de bon vin. Ils auront de l’eau pour arro-