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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

ronde, et qu’en allant toujours devant vous, vous n’arriveriez nulle part. Nous voilà bel et bien perdus.

— Oh ! dit Sidoine en courant de plus belle, peu m’importe : je suis partout chez moi.

— Mais arrête donc, malheureux ! cria de nouveau Médéric. Je sue, à te regarder marcher ainsi. J’aurais dû veiller au chemin. Sans doute, tu as enjambé la demeure de l’aimable Primevère, sans plus de façons qu’une hutte de charbonnier : palais et chaumières sont de même niveau pour tes longues jambes. Maintenant, il nous faut courir le monde au hasard. Je regarderai passer les empires, du haut de ton épaule, jusqu’au jour où nous découvrirons le Royaume des Heureux. En attendant, rien ne presse ; nous ne sommes pas attendus. Je crois utile de nous asseoir un instant, pour méditer plus à l’aise sur le singulier pays que nous traversons en ce moment. Mon mignon, assieds-toi sur cette montagne qui est là, à tes pieds.

— Ça, une montagne ! répondit Sidoine en s’asseyant, c’est un pavé, ou le diable m’emporte !

À vrai dire, ce pavé était une des grandes pyramides. Nos compagnons, qui venaient de traverser le désert d’Afrique, se trouvaient pour lors en Égypte. Sidoine, n’ayant pas en histoire des connaissances bien précises, regarda le Nil comme un ruisseau boueux ; quant aux sphinx et aux obélisques, ils les prit pour des graviers d’une forme singulière et fort laide. Médéric, qui savait tout sans avoir rien appris, fut fâché du peu d’attention que son frère accordait à