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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/214

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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

un seul coteau, qui servît de tombe à près de onze cent mille hommes. En pareil cas, il est rare qu’un conquérant prenne lui-même ce soin pour les vaincus. Ce fait prouve combien mon héros, tout héros qu’il était, se montrait bon enfant à l’occasion.

Durant l’affaire, les Bleus, stupéfaits de ce renfort qui leur tombait du haut d’une des grandes pyramides, avaient eu le temps de reconnaître que ce n’était pas là un éboulement de pavés, mais un homme en chair et en os. Ils songèrent d’abord à l’aider un peu ; puis, voyant la façon aisée dont il travaillait, ils comprirent qu’ils seraient plutôt un embarras, et se retirèrent discrètement à quelque distance, par crainte des éclaboussures. Ils se haussaient sur la pointe des pieds, se bousculant pour mieux voir, et accueillaient chaque coup d’un tonnerre d’applaudissements. Quand les Verts furent morts et enterrés, ils poussèrent de grands cris et se félicitèrent de la victoire, se mêlant tumultueusement et parlant tous à la fois.

Cependant Sidoine, ayant soif, descendit au bord du Nil, pour boire un coup d’eau fraîche. Il le tarit d’une gorgée ; heureusement pour l’Égypte, il trouva ce breuvage si chaud et si fade, qu’il se hâta de rejeter le fleuve dans son lit, sans en avaler une goutte. Vois à quoi tient la fertilité d’un pays.

De fort méchante humeur, il revint dans la plaine et regarda les Bleus en se frottant les mains.

— Frère, dit-il d’un ton insinuant, si je frappais un peu sur ceux-ci, maintenant ? Ces hommes font beau-