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ET DU PETIT MÉDÉRIC

coup de bruit. Que penses-tu de quelques coups de poing pour les forcer à un silence respectueux ?

— Garde-t’en bien, répondit Médéric, je les observe depuis un instant, et je leur crois les meilleures intentions du monde. Pour sûr, ils s’occupent de toi. Tâche, mon mignon, de prendre une pose noble et majestueuse ; car, si je ne me trompe, tes grandes destinées vont s’accomplir. Regarde, voici venir une députation.

Au tapage d’un million d’hommes émettant chacun leur avis, sans écouter celui du voisin, avait succédé le plus profond silence. Les Bleus venaient sans doute de s’entendre ; ce qui ne laisse pas que d’être singulier, car, dans les assemblées de notre beau pays, où les membres ne sont guère qu’au nombre de deux à trois cents, ils n’ont pu jusqu’ici s’accorder sur la moindre vétille.

L’armée défilait en deux colonnes. Bientôt elle forma un cercle immense. Au milieu de ce cercle, se trouvait Sidoine, fort embarrassé de sa personne ; il baissait les yeux, honteux de voir tant de monde le regarder. Quant à Médéric, il comprit que sa présence serait un sujet d’étonnement, inutile et même dangereux en ce moment décisif, et se retira par prudence dans l’oreille qui lui servait de demeure depuis le matin.

La députation s’arrêta à vingt pas de Sidoine. Elle n’était pas composée de guerriers, mais de vieillards aux crânes nus et sévères, aux barbes magistrales, tombant en flots argentés sur les tuniques bleues. Les