Aller au contenu

Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
AVENTURES DU GRAND SIDOINE

mains de ces vieillards avaient pris la couleur et les rides sèches des parchemins qu’elles feuilletaient sans cesse ; leurs yeux, habitués aux seules clartés des lampes fumeuses, soutenaient l’éclat du soleil avec la gaucherie et les clignements de paupières d’un hibou égaré en plein jour ; leurs échines se courbaient comme devant un pupitre éternel, et, sur leurs robes, des taches d’huile et des traînées d’encre dessinaient les broderies les plus bizarres, ornements mystérieux et terrifiants qui n’étaient pas pour peu de chose dans leur haute renommée de science et de sagesse.

Le plus vieux, le plus sec, le plus aveugle, le plus bariolé de la docte compagnie, avança de trois pas et fit un profond salut. Après quoi, s’étant dressé, il élargit les bras pour joindre aux paroles les gestes convenables.

— Seigneur Géant, dit-il d’une voix solennelle, moi, prince des orateurs, membre et doyen de toutes les académies, grand dignitaire de tous les ordres, je te parle au nom de la nation. Notre roi, un pauvre sire, est mort, il y a deux heures, d’un transport au cerveau, pour avoir vu les Verts à l’autre bout de la plaine. Nous voilà donc sans maître qui nous charge d’impôts et nous fasse tuer au nom du bien public. C’est là, tu le sais, un état de liberté déplaisant communément aux peuples. Il nous faut un roi au plus vite, et, dans notre hâte de nous prosterner devant des pieds royaux, nous venons de songer à toi, qui te bats si vaillamment. Nous pensons, en t’offrant la cou-