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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

ments d’un goût délicat et recherché, il en est deux surtout dont on ne saurait se lasser : les taloches vertement appliquées et les périodes vides et sonores d’une proclamation royale. J’avoue être fier d’appartenir à une nation qui comprend à un si haut point les courtes jouissances de cette vie. Quant à son désir d’avoir sur le trône un roi amusant, je trouve ce désir en lui-même encore plus digne d’éloges que le choix des amusements préférés par mes concitoyens. Ce que nous voulons se réduit donc à ceci. Les princes sont des hochets dorés que se donne le peuple, pour se réjouir et se divertir à les voir briller au soleil ; mais, presque toujours, ces hochets coupent et mordent, ainsi qu’il en est des couteaux d’acier, lames brillantes dont les mères effrayent vainement leurs marmots. Or, nous souhaitons que notre hochet soit inoffensif, qu’il nous réjouisse et nous divertisse, selon nos goûts, sans que nous courions le risque de nous blesser, à le tourner et le retourner entre nos doigts. Nous voulons de grands coups de poing, car ce jeu fait rire nos guerriers, les amuse honnêtement et leur met du cœur au ventre ; nous désirons de longs discours, pour occuper les braves gens du royaume à les applaudir et les commenter, de belles phrases qui tiennent en joie les parleurs de l’époque. Tu as déjà, Seigneur Géant, rempli une partie du programme, à l’entière satisfaction des plus difficiles ; je le dis en vérité, jamais poings ne nous ont fait rire de meilleur cœur. Maintenant, pour combler nos vœux, il te faut subir la seconde épreuve.