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ET DU PETIT MÉDÉRIC

Choisis le sujet qu’il te plaira : parle-nous de l’affection que tu nous portes, de tes devoirs envers nous, des grands faits qui doivent signaler ton règne. Instruis-nous, égaye-nous. Nous t’écoutons.

Le prince des orateurs, ayant ainsi parlé, fit une nouvelle révérence. Sidoine, qui avait écouté l’exorde d’un air inquiet, et suivi les différents points avec anxiété, fut frappé d’épouvante à la péroraison. Prononcer un long discours en public, lui paraissait une idée absurde et sortant par trop de ses habitudes journalières. Il regardait sournoisement le docte vieillard, craignant quelque méchante raillerie, et se demandait si un bon coup de poing, appliqué à propos sur ce crâne jauni, ne le tirerait pas d’embarras. Mais le brave enfant n’avait pas de méchanceté, et ce vieux monsieur venait de lui parler si poliment qu’il lui semblait dur de répondre d’une façon aussi brusque. S’étant juré de ne point desserrer les lèvres et sentant toute la délicatesse de sa position, il dansait sur l’un et l’autre pied, roulait ses pouces et riait de son rire le plus niais. Comme il devenait de plus en plus idiot, il crut avoir trouvé une idée de génie. Il salua profondément le vieux monsieur.

Cependant, au bout de cinq minutes, l’armée s’impatienta. Je crois te l’avoir dit, ces événements se passaient en Égypte, sur le coup de midi, et, tu le sais, rien ne rend de plus méchante humeur que d’attendre au grand soleil. Les Bleus témoignèrent bientôt par un murmure croissant que le seigneur Géant eût à se dé-