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ET DU PETIT MÉDÉRIC

marquable finesse. Il y a là certainement une curiosité anatomique qu’il nous faudra étudier et expliquer à tout prix. Nous traiterons ce grave sujet à notre prochaine réunion, et en ferons une belle et bonne vérité scientifique qui aura cours dans nos établissements universitaires.

— Hé ! mon mignon, souffla doucement Médéric dans l’oreille de Sidoine, ouvre larges tes mâchoires et fais-les jouer en mesure, comme si tu broyais des noix. Il est bon que tu les remues avec vigueur, car ceux qui ne t’entendront pas, verront au moins que tu parles. N’oublie pas les gestes non plus : arrondis les bras avec grâce durant les périodes cadencées ; plisse le front et lance les mains en avant dans les éclats d’éloquence ; tâche même de pleurer un peu aux endroits pathétiques. Surtout pas de bêtises. Suis bien le mouvement. Ne va pas t’arrêter court au beau milieu d’une phrase, ni poursuivre lorsque je me tairai. Mets les points et les virgules, mon mignon. Cela n’est pas difficile, et la plupart de nos hommes d’État ne font autre métier. Attention, je commence.

Sidoine ouvrit effroyablement la bouche et se mit à gesticuler, avec des mines de damné. Médéric s’exprima en ces termes :


« Mes bien-aimés Sujets,

« Comme il est d’usage, laissez-moi m’étonner et me juger indigne de l’honneur que vous me faites. Je ne pense pas un traître mot de ce que je vous dis là ; je