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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/235

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ET DU PETIT MÉDÉRIC

n’ont d’autre charge que d’embrocher les curieux. Nous sommes vos gardes du corps, Sire, et, sans nous, vos sujets, gens très-gourmands de monarques, en auraient déjà fait une effroyable consommation.

Cependant Sidoine riait aux larmes. L’idée que ces pauvres diables le gardaient lui avait d’abord paru d’une joyeuseté rare ; mais quand il apprit qu’ils le gardaient contre son peuple, il eut un nouvel accès de gaieté dont il faillit étouffer. De son côté, Médéric pouffait à pleines joues et déchaînait une véritable tempête dans l’oreille de son mignon.

— Holà ! manants, cria-t-il, pliez bagages et décampez au plus vite. Me croyez-vous assez sot pour imiter vos rois trembleurs, qui ferment dix à douze portes sur eux et plantent une sentinelle à chacune ? Je me garde moi-même, mes bons amis, et je n’aime pas à être regardé quand je dors ; car ma nourrice m’a toujours dit que je n’étais pas beau en ronflant. S’il vous faut absolument garder quelqu’un, au lieu de garder le roi contre le peuple, gardez, je vous prie, le peuple contre le roi ; ce sera mieux employer vos veilles et gagner plus honnêtement votre argent. Les soirs d’été, pour peu que vous désiriez m’être agréables, envoyez-moi vos femmes avec des éventails, ou, s’il pleut, votez-moi une armée de parapluies. Mais vos épées, à quoi diable voulez-vous qu’elles me servent ? Et, maintenant, bonne nuit, messieurs les gardes du corps.

Sans plus de zèle, capitaine et soldats se retirèrent, enchantés d’un prince si facile à servir. Alors nos