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ET DU PETIT MÉDÉRIC

doine Ier, la nation Bleue et toute la royale comédie. Le roi en deux personnes avait laissé son corps chez son peuple ; son esprit battait la campagne, perdu dans les haies et se donnant du bon temps. Ainsi, la nuit, l’âme s’envole sur l’aile d’un songe et s’en va prendre ses ébats, dans quelque coin inconnu, insoucieuse de la prison dont elle s’est échappée. Cette comparaison n’est-elle pas très-ingénieuse, et, bien que je me sois défendu d’avoir caché quelque sens philosophique sous le voile léger de cette fiction, ne te dit-elle pas clairement ce qu’il te faut penser de mon géant et de mon nain ?

Cependant, comme Médéric faisait les yeux doux à une mûre, il fut, de la façon la plus imprévue, rappelé aux tristes réalités de cette vie. Un dogue, non des plus minces, se précipita brusquement dans le sentier, aboyant avec force, les dents blanches, les paupières sanglantes. As-tu remarqué, Ninette, quel bon caractère hospitalier ont les chiens dans la campagne ? Ces fidèles animaux, lorsqu’ils ont reçu de l’homme les bienfaits de l’éducation, possèdent au plus haut point le sentiment de la propriété. Il y a vol pour eux à fouler la terre d’autrui. Le nôtre, qui eût dévoré Médéric pour le peu de boue qu’un passant emporte à ses semelles, devint furieux, à le voir manger les mûres poussées librement au gré de la pluie et du soleil. Il se précipita, la gueule ouverte.

Médéric ne l’attendit certes pas. Il avait une haine raisonnée pour ces grosses bêtes, aux allures brutales,