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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/244

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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

qui sont chez les animaux ce que sont les gendarmes chez les hommes. Il se mit à fuir, à toutes jambes, fort effrayé et très-inquiet des suites de cette mauvaise rencontre. Ce n’est pas qu’il raisonnât beaucoup en cette circonstance ; mais comme il avait, par usage, une grande habitude de la logique, tout en ayant la tête perdue, il posa en principe : Ce chien a quatre pattes, moi j’en ai deux plus faibles et moins exercées ; — en tira comme conséquence : Il doit courir plus longtemps et plus vite que moi ; — fut naturellement conduit à penser : Je vais être dévoré ; — enfin arriva victorieusement à conclure : Ce n’est plus qu’une simple question de temps. La conclusion lui donna froid dans les jambes. Il se tourna et vit le dogue à une dizaine de pas ; il courut plus fort, le dogue courut plus fort ; il sauta un fossé, le dogue sauta le fossé. Étouffant, les bras ouverts, il allait sans volonté ; il sentait des crocs aigus s’enfoncer dans ses chairs, et, les yeux fermés, voyait luire dans l’ombre deux paupières sanglantes ; les abois du chien l’entouraient, le serraient à la gorge, comme font les vagues pour l’homme qui se noie.

Encore deux sauts, c’en était fait de Médéric. Et ici, permets-moi, Ninon, de me plaindre du peu de secours prêté par notre esprit à notre corps, quand ce dernier se trouve dans quelque embarras. Je le demande, où baguenaudait l’esprit de Médéric, tandis que son corps n’avait que deux misérables jambes à son service ? La belle avance, de fuir pour se sauver !