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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/245

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ET DU PETIT MÉDÉRIC

tout le monde en fait autant. Si son esprit n’eût pas couru la pretantaine, l’ingénieux enfant, sans tant s’essouffler ni risquer une pleurésie, aurait, dès les premiers pas, monté tranquillement sur un arbre, comme il le fit, au bout d’un quart d’heure de course folle. C’est là ce que j’appelle un trait de génie ; l’inspiration lui vint d’en haut. Quand il fut à califourchon sur une maîtresse branche, il s’étonna d’avoir songé à une chose aussi simple.

Le dogue, dans son élan furieux, vint se heurter violemment contre l’arbre, puis se mit à tourner autour du tronc, en poussant des abois féroces. Médéric prit ses aises et retrouva la parole.

— Hélas ! hélas ! cria-t-il, mon pauvre mignon, je me trouve vertement puni d’avoir voulu prendre l’air sans emmener tes poings avec moi. Voilà qui me prouve une fois de plus combien nous nous sommes indispensables l’un à l’autre ; notre amitié est œuvre de la Providence. Que fais-tu loin de moi, ayant tes seuls bras pour te tirer d’affaire ? que fais-je ici moi-même, logé sur une branche, n’ayant pas la moindre taloche à appliquer sur le museau de ce vilain animal. Hélas ! hélas ! c’en est fait de nous !

Le dogue, las d’aboyer, s’était gravement assis sur son derrière, le cou allongé, la lèvre retroussée. Il regardait Médéric, sans bouger d’une ligne. Celui-ci, voyant la bête prêter une attention soutenue, crut comprendre qu’elle l’invitait à parler, et résolut de profiter d’un pareil auditeur, désireux de se faire écouter