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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

une fois dans sa vie. D’ailleurs, il n’avait que des phrases à sa disposition pour sortir d’embarras.

— Mon ami, dit-il d’une voix mielleuse, je ne veux pas vous retenir plus longtemps. Allez à vos affaires. Je retrouverai parfaitement mon chemin. Je vous l’avouerai même, il y a, à quelques lieues d’ici, un bon peuple que mon absence doit plonger dans la plus vive inquiétude. Je suis roi, s’il faut tout dire. Vous ne l’ignorez pas, les rois sont des bijoux précieux, et les nations n’aiment point à les perdre. Retirez-vous donc. Il serait peu convenable de forcer l’histoire à écrire un jour comme quoi le sot entêtement d’un chien a suffi pour bouleverser un grand empire. Voulez-vous une place à ma cour ? être le gardien des viandes du palais ? Dites, quelle charge puis-je vous offrir pour que Votre Excellence daigne s’éloigner ?

Le dogue ne bougeait pas. Médéric pensa l’avoir gagné par l’appât d’un titre officiel ; il fit mine de descendre. Sans doute le dogue n’était point ambitieux, car il se mit à hurler de nouveau, se dressant contre l’arbre.

— Le diable t’emporte ! murmura Médéric.

À bout d’éloquence, il fouilla ses poches. C’est là un moyen qui, chez les hommes, réussit généralement. Mais allez donc jeter une bourse à un chien, si ce n’est pour lui faire une bosse à la tête. Médéric n’était pas d’ailleurs un garçon à avoir une bourse dans ses chausses ; il considérait l’argent comme parfaitement inutile, ayant toujours vécu de libres échanges. Il