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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/255

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ET DU PETIT MÉDÉRIC

des flancs de la vache, avaient également raison, tout en se trompant de même. Toi, la regardant en face, tu la jugeais d’une façon autre. Était-ce la bonne ? Je n’oserais le dire ; car, observe, quelqu’un placé à la queue aurait pu émettre un quatrième jugement tout aussi logique que les trois premiers.

— Eh ! mon frère Médéric, pourquoi tant philosopher ? Je ne prétends pas être le seul qui ait eu raison. Seulement, je dis que la vache était blanche et noire, le tout ensemble ; et, certes, je puis bien le dire, puisque c’est là ce que j’ai vu. Ma première pensée a été de communiquer à la foule cette vérité que mes yeux me révélaient, et je l’ai fait avec complaisance, ayant la naïveté de croire cette décision la meilleure possible, car elle devait contenter tout le monde en ne donnant tort à personne.

— Eh quoi ! mon pauvre mignon, tu as parlé ?

— Pouvais-je me taire ? Le peuple était là, les oreilles grandes ouvertes, avides de phrases comme la terre d’eau de pluie, après deux mois de sécheresse. Les plaisants, à me voir l’air niais et embarrassé, criaient que ma voix de fauvette s’en était allée, juste à la saison des nids. Je tournai sept fois ma phrase dans la bouche, et, fermant les paupières à demi, arrondissant les bras, je prononçai ces mots du ton le plus flûté possible :

« Mes bien-aimés sujets, la vache est noire et blanche, le tout ensemble. »

— Oh la la ! mon mignon, à quelle école as-tu ap-