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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

pris à faire des discours d’une phrase ? T’ai-je jamais donné de mauvais exemples ? Il y avait là matière à emplir deux volumes, et tu vas jeter tout le fruit de tes observations en treize mots ! Je jurerais qu’on t’a compris : ton discours était pitoyable !

— Je te crois, mon frère. J’avais parlé très-doucement. Tous, hommes, femmes, enfants, vieillards, se bouchèrent les oreilles, se regardant épouvantés, comme s’ils eussent entendu le tonnerre gronder sur leur tête ; puis ils poussèrent de grands cris :

« Eh quoi ! disaient-ils, quel est le malotru qui se permet de pareils beuglements ? On nous a changé notre roi. Cet homme n’est pas notre doux seigneur, dont la voix suave faisait les délices de nos oreilles. Sauve-toi vite, vilain géant, bon tout au plus à effrayer nos filles quand elles pleurent. Entendez-vous l’imbécile déclarer cette vache blanche et noire ? Elle est blanche. Elle est noire. Voudrait-il se moquer de nous, en affirmant qu’elle est noire et blanche ? Allons, vite, décampe ! Oh ! quelle sotte paire de poings ! La laide parure, quand il les balance niaisement, comme s’il ne savait qu’en faire. Jette-les dans un coin pour courir plus vite. Tu nous guérirais des rois, si nous pouvions guérir de cette maladie. Hé ! plus vite encore. Vide le royaume. Où avions-nous l’idée d’aimer les hommes hauts de plusieurs toises ? Rien n’est plus artistement organisé que les moucherons. Nous voulons un moucheron ! »

Sidoine, au souvenir de cette scène de tumulte, ne