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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

— Oh ! dit Sidoine, de pareilles corrections se lisent-elles dans l’histoire ?

— Mais oui. Parfois, les rois rasent une ville ; d’autres fois, les villes coupent le cou aux rois. C’est une douce réciprocité. Si cela peut te distraire, nous allons assommer ceux pour le compte desquels nous assommions hier.

— Non, mon frère, ce serait une triste besogne. Je suis de ceux qui n’aiment pas à manger les poulets de leur basse-cour.

— Bien dit, mon mignon. Léguons alors le soin de nous faire regretter au roi notre successeur. D’ailleurs, ce royaume était trop petit ; tu ne pouvais te remuer sans passer les frontières. C’est assez nous amuser aux bagatelles de la porte. Il nous faut chercher au plus vite le Royaume des Heureux, qui est un grand royaume où nous régnerons à l’aise. Surtout, marchons de compagnie. Nous emploierons quelques matinées à parfaire notre éducation, à prendre une idée précise de ce monde, dont nous allons gouverner un des coins. Est-ce dit, mon mignon ?

Sidoine ne pleurait plus, ne réfléchissait plus, ne parlait plus. Les larmes, un instant, lui avaient mis des pensées au cerveau et des paroles aux lèvres. Le tout s’en était allé ensemble.

— Écoute et ne réponds pas, ajouta Médéric ; nous allons enjamber notre royaume d’hier et nous diriger vers l’Orient, en quête de notre royaume de demain.