Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/295

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
285
ET DU PETIT MÉDÉRIC

s’ils veulent que le tremblant échafaudage de leur société ne croule pas aux premières attaques de l’esprit d’examen. Moi, qui ne suis pas de cette société, qui refuse toute fraternité avec mes frères, je puis enfreindre leurs lois, sans porter le moindre tort à leur législation ni à leurs croyances morales. Prends donc ce fruit et mange-le, pauvre misérable. Si je me damne, je le fais de gaieté de cœur.

Médéric, en parlant ainsi, cueillait la pêche et l’offrait au mendiant. Celui-ci s’empara du fruit et le considéra avidement. Puis, au lieu de le porter à la bouche, il le rejeta dans le parc, par-dessus le mur. Médéric le regarda faire sans s’étonner.

— Mon mignon, dit-il à Sidoine, je te prie de regarder cet homme. Il est le type le plus pur de l’humanité. Il souffre, il obéit ; il est fier de souffrir et d’obéir. Je le crois un grand sage.

Sidoine fit quelques enjambées, le cœur triste d’abandonner ainsi un pauvre diable mourant de faim. D’ailleurs, il ne cherchait pas à s’expliquer la conduite du misérable ; il fallait être un peu plus homme qu’il ne l’était pour résoudre un pareil problème. Au départ, il avait ramassé la pêche, et regardait maintenant devant lui, cherchant du regard quelque pauvre moins scrupuleux à qui la donner.

Comme il approchait de la ville, il vit sortir d’une des portes un cortège de riches seigneurs, accompagnant une litière où se trouvait couché un vieillard. À