Aller au contenu

Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
287
ET DU PETIT MÉDÉRIC

— Vous n’êtes donc pas un mendiant ? interrompit Sidoine désappointé.

— Les mendiants mangent quelquefois. Je vous ai dit que je ne mangeais jamais.

— Et le nom de cette laide maladie ?

Médéric, ayant compris quelle était la misère de cet indigent paré de bijoux et de dentelle, se chargea de répondre à Sidoine.

— Cette maladie est celle des pauvres millionnaires, dit-il. Elle n’a pas de nom savant, parce que les drogues n’ont aucun effet sur elle ; elle se guérit par une forte dose d’indigence. Mon mignon, si ce seigneur ne mange plus, c’est qu’il a trop à manger.

— Bon ! s’écria Sidoine, voici un monde bien étrange ! Que l’on ne mange pas, quand on manque de pêches, je le comprends jusqu’à un certain point ; mais que l’on ne mange pas davantage, quand on possède des forêts d’arbres à fruits, je me refuse à accepter cela comme logique. Dans quel absurde pays sommes-nous donc ?

L’homme à la litière se souleva à demi, soulagé dans son ennui par la naïveté de Sidoine.

— Monsieur, répondit-il, vous êtes en plein pays de civilisation. Les faisans coûtent fort cher ; mes chiens n’en veulent plus. Dieu vous garde des festins de ce monde. Je me rends chez une brave femme de ma connaissance, pour essayer de manger une tranche de bon pain noir. Votre gaillarde mine m’a mis en appétit.