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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/299

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ET DU PETIT MÉDÉRIC

— Ma bourse ! et pourquoi faire, puisque tu n’auras pas faim de trois jours ?

— Pour être riche.

Sidoine, stupéfait, prit Médéric dans son autre main et le regarda gravement.

— Mon frère, dit-il, les gens de ce pays s’entendent pour se moquer de nous. Dieu ne peut avoir créé des créatures aussi peu sensées. Voici maintenant un imbécile n’ayant pas faim et arrêtant les passants pour leur demander leur bourse, un fou qui a un bon appétit et qui cherche à le perdre en devenant riche.

— Tu as raison, répondit Médéric, tout ceci est parfaitement ridicule. Seulement tu ne me parais pas avoir bien compris quelle sorte de mendiant tu tiens là, entre tes doigts. Les voleurs font métier d’accepter uniquement les aumônes qu’ils prennent.

— Écoute, dit alors Sidoine au brigand : d’abord tu n’auras pas ma bourse, et cela pour une excellente raison. Ensuite je crois juste de t’infliger une légère correction. Tout bien examiné, ce qui est doit être ; je ne puis te laisser manger en paix, lorsque je viens de quitter un pauvre diable mourant de faim. Mon frère Médéric me lira un jour le code, et alors je reviendrai te pendre dans les formes. Aujourd’hui je me contenterai de laver ta laide mine dans la mare qui est là, à mes pieds. Bois pour trois jours, mon ami.

Sidoine ouvrit les doigts, et le voleur tomba dans la mare. Un honnête homme se serait noyé ; le coquin se sauva à la nage.