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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

vie produit des effets contraires ! Sans philosopher davantage, les lions sont les lions.

— Mon frère Médéric, dit Sidoine, voici devant nous dix ou douze scélérats qui ont sur la conscience un poids énorme de péchés. Ils ont parlé le mieux du monde et ont agi comme des sacripants. Voyons si mes poings ne sont pas rouillés.

Ce disant, il asséna sur le hangar un renfoncement formidable qui pulvérisa les poutres et fit voler les pierres de taille en éclats. Les animaux restants, seul espoir de la régénération des bêtes, ne poussèrent pas un cri. Médéric parut chagrin de cette exécution.

— Hé ! mon mignon, cria-t-il, que ne m’as-tu consulté ! Voilà un coup de poing dont tu auras tristesse et remords. Écoute-moi.

— Quoi ! mon frère, n’ai-je pas frappé justement ?

— Oui, selon l’idée que nous nous faisons du bien. Mais, entre nous, et ceci je le dis tout bas pour ne pas troubler une croyance nécessaire, le bien et le mal ne sont-ils pas de création humaine ? Un loup commet-il vraiment une mauvaise action lorsqu’il mange un agneau ? L’homme, ami des agneaux, qui lui porterait un plat de légumes, ne serait-il pas plus ridicule que le loup ne serait coupable ?

— Voudrais-tu, frère, induire logiquement de là que le bien et le mal n’existent pas ?

— Peut-être, mon mignon. Vois-tu, nous voulons trop souvent devancer l’heure fixée par Dieu. Il est certaines lois, sans doute d’une essence divine, qui