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ET DU PETIT MÉDÉRIC

échappent à notre intelligence et auxquelles nous avons donné le vilain nom de fatalités. Nous désirons sottement réagir contre l’œuvre du Créateur. Nous admettons, par un rare blasphème, que le mal a pu être créé, et nous voilà nous érigeant en juges, récompensant et punissant, parce que nos sens sont trop faibles pour pénétrer chaque chose et nous montrer que tout est bien devant Dieu. Remarque l’absurde justice de ton coup de poing. Tu as puni ces bêtes d’agir selon les lois d’après lesquelles elles doivent vivre. Tu les as jugées en égoïste, au point de vue purement humain, surtout poussé par cet effroi de la mort qui a donné à l’homme le respect de la vie. Enfin, tu t’es scandalisé de voir une race en dévorer une autre, lorsque toi-même tu ne te fais aucun scrupule de te nourrir de la chair des deux.

— Mon frère Médéric, parle plus clairement, ou je n’aurai aucun remords de mon coup de poing.

— Je t’entends, mon mignon. Somme toute, je le veux bien : le mal existe ; ce qui me dispense de te prouver que le bien absolu est impossible. D’ailleurs, les décombres sur lesquels nous sommes assis en sont la preuve. Mais, dis-moi, voulais-tu manger ces bêtes fauves ?

— Certes non. Je n’aime pas le gros gibier.

— Alors, mon mignon, pourquoi les tuer ?

À cette question, Sidoine demeura fort sot. Il chercha une réponse et ne la trouva pas. Le plus vif éton-