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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/60

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LE CARNET DE DANSE

— J’aime beaucoup monsieur Edmond, soupira le petit livre.

Georgette fit mine de ne pas entendre. Elle continua :

— En dansant, j’ai senti sa main trembler sur ma taille. Il a bégayé quelques mots, se plaignant de la chaleur. Moi, voyant que les roses de mon bouquet lui faisaient envie, je lui en ai donné une. Il n’y a pas de mal à cela.

— Oh non ! Puis, en prenant la fleur, ses lèvres, par un singulier hasard, se sont trouvées près de tes doigts. Il les a baisés un petit peu.

— Il n’y a pas de mal à cela, répéta Georgette qui depuis un instant se tourmentait fort sur le lit.

— Oh non ! J’ai à te gronder vraiment de lui avoir tant fait attendre ce pauvre baiser. Edmond ferait un charmant petit mari.

L’enfant, de plus en plus troublée, ne s’aperçut pas que son fichu était tombé et que l’un de ses pieds avait rejeté la couverture.

— Un charmant petit mari, répéta-t-elle de nouveau.

— Moi, je l’aime bien, reprit le tentateur. Si j’étais à ta place, vois-tu, je lui rendrais volontiers son baiser.

Georgette fut scandalisée. Le bon apôtre continua :

— Rien qu’un baiser, là, doucement, sur son nom. Je ne le lui dirai pas.