Page:Zola - Fécondité.djvu/228

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questionné par elle sur sa visite chez les Morange, dit simplement que Valérie était très malade. Pourquoi l’auraient-ils attristée dans sa lutte, en lui apportant tous ces deuils du dehors ? Les dernières douleurs commençaient, si aiguës, qu’elles lui arrachaient de grands cris réguliers, pareils à la clameur des bûcherons, qui, dans leurs efforts, fendent les chênes. Elle renversait la tête, les yeux fermés, elle était tout entière jetée en avant, à chaque poussée violente des muscles, dont on voyait tressaillir le ventre nu, le ventre sacré, qui s’ouvrait comme la terre sous le germe, pour donner la vie. Alors, Mathieu, éperdu, ne put rester en place. Cette plainte continue le brisait lui-même, il sentait ses membres s’écarteler, dans cet arrachement. Il s’éloignait du lit, revenait se pencher sur cette chère tête torturée, dont les yeux clos laissaient couler des larmes ; et il les baisait dévotement ces pauvres yeux ruisselants, et il les buvait, ces larmes.

« Mon cher, finit par dire le docteur, vous devriez vous en aller, vous me gênez beaucoup. »

Justement, la bonne montait dire que M. Beauchêne était en bas, demandant des nouvelles. Et Mathieu, se sentant gagné par les sanglots, éperdu, descendit un instant.

« Eh bien ! mon ami, où en êtes-vous ? Constance m’envoie pour savoir… Est-ce fait ?

— Non, non, pas encore », reprit le pauvre mari tout frémissant.

L’autre se mit à rire, de l’air d’un homme heureux de ne plus passer par ces grosses émotions. Il n’avait pas éteint son cigare, la mine superbe toujours, content de vivre.

« Et puis, je voulais vous dire que vos trois enfants ne s’ennuyaient pas. Ah ! les gaillards ! ils ont déjeuné comme des loups et maintenant, ils sautent, ils crient ! Je