Page:Zola - Fécondité.djvu/229

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ne sais pas comment vous pouvez vivre au milieu d’un sabbat pareil… Avec ça, nous avons envoyé chercher les deux petits Séguin, chez la tante où la maman les avait mis pour accoucher tranquillement. Ils sont donc de la partie, mais ceux-là sont un peu endormis, ils ont peur de se salir… Avec le nôtre, et cette grande fille de Reine, qui a l’air d’une femme déjà, ça nous en fait donc sept. Et c’est beaucoup, pour des gens qui s’entêtent à n’en avoir qu’un. »

Cette plaisanterie redoubla son rire de bon vivant qui avait, lui aussi, plantureusement déjeuné. Mais le nom de Reine donna froid au cœur de Mathieu. Il revoyait, là-bas, sur le grabat immonde, Valérie morte, tandis que, près d’elle, écrasé, Morange veillait.

« Et elle joue aussi, cette grande fille ? demanda-t-il.

— Oh ! comme une perdue. Elle joue à la maman avec les autres. Seulement, elle ne veut pas avoir plus d’un bébé. Les cinq qui restent, ce sont des petits domestiques… Quelle femme délicieuse elle fera, dans trois ou quatre ans ! » Il s’arrêta, souffla, cessa de s’égayer un moment.

« Le malheur est que notre Maurice a été repris ce matin par les jambes. Il grandit tant, ce garçon, il devient si fort !… Sa mère a du l’installer sur un canapé, au milieux des six autres, et vous comprenez que ça lui gonfle un peu le cœur, de ne pouvoir sauter et crier comme eux. Pauvre petit bougre ! »

Ses yeux vacillèrent, un nuage assombrit un instant sa face. Peut-être sentait-il passer à son tour ce souffle froid, venu du mystère, qui avait, un soir, glacé Constance d’un frisson, devant son fils pris de syncope. Déjà, il sortait de cette ombre ; et, comme si, dans sa rêverie, un rapprochement inconscient s’était fait, il se réveilla pour demander gaiement :