Page:Zola - Fécondité.djvu/405

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une résignation de pauvre être qui demande pitié, tant il souffre.

« Je ne ferai de mal à personne, ne me faites pas de mal. Seulement, montrez-la-moi, je veux la voir. »

Sérafine, ayant vaincu enfin, voulut se relever. Mais il fallut que Mathieu l’aidât, tellement elle était brisée elle-même, exténuée, à bout de forces. Une sueur mouillait sa face, elle dut rester appuyée un instant au bras qu’il lui avait offert, puis, elle le regarda peu à peu redressée, en sa taille fière, triomphante d’avoir été brave jusqu’au bout, atteinte pourtant et chancelante, dans son énergie à défendre son plaisir. Et il s’étonna de la voir si vieille, comme si les symptômes de flétrissure qu’il avait constatés déjà se fussent aggravés tout d’un coup, ridant de mille plis son visage blême.

Morange tendait ses mains tremblantes, répétait sa triste plainte enfantine.

« Je vous en supplie, montrez-la-moi, je veux la voir… Je ne ferai de mal à personne, je resterai près d’elle bien tranquille. »

Sarraille finit par le satisfaire, puisque, maintenant, il semblait résigné. On le soutint, on le mena dans la chambre terrible, au bout d’un petit couloir. Mathieu et Sérafine entrèrent avec lui tandis que le docteur s’arrêtait sur le seuil de la porte, qui resta grande ouverte.

C’était la même chambre, la chambre de terreur et d’horreur où le mari, huit ans plus tôt, avait trouvé sa femme morte. La même fenêtre poussiéreuse ne laissait pénétrer que le jour verdâtre de la cour, le même mobilier d’hôtel garni louche traînait dans la crasse, entre les quatre murs nus, au papier semé de fleurs rouges décollé par l’humidité. Et là, au fond de cette bassesse, sur le grabat immonde, le père, cette fois, trouvait sa fille, sa petite Reine, l’idole, la divinité, dont le culte unique emplissait son existence. La tête adorable de