Page:Zola - Fécondité.djvu/424

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un prix tellement fou, que, désormais, tout marché devenait impossible. Le meunier du reste, avait laissé percer sa rage sourde du triomphe de Mathieu, ces vastes champs incultes, abandonnés aux ronces depuis des siècles, où il l’avait défié de faire jamais pousser un épi, et que couvraient maintenant de débordantes moissons. Il en était exaspéré dans sa rancune contre la terre, il l’en exécrait davantage, la marâtre injuste, si dure pour lui, un fils de paysan, si bienveillante à ce bourgeois, tombé du ciel pour révolutionner le pays. Et il avait dit en ricanant que ces broussailles valaient de l’or à présent, puisqu’il y avait des sorciers qui faisaient pousser le blé sur les pierres.

« Vous savez que j’ai pris la peine d’aller le voir moi-même. Autrefois, il était venu me proposer à vil prix son bout de landes, et je n’en avais pas voulu, naturellement, car je désirais déjà me débarrasser du domaine. Aussi ne s’est-il pas privé de goguenardes, en me faisant comprendre ma bêtise. Je l’aurais giflé… Il a donc une fillette, maintenant ?

— Oui, la petite Thérèse, répondit Mathieu qui souriait, tellement il était certain à l’avance du résultat de la démarche. L’année dernière, il a eu ce malheur, comme il dit. Il n’en a pas encore décoléré, il s’en est pris d’abord à sa femme, puis à la société entière, à tous les saints, au bon Dieu lui-même. C’est un homme vaniteux et vindicatif.

— Parfaitement, j’ai dû le blesser aussi, en ne me récriant pas d’admiration sur son galopin, son Antonin, qui, dès douze ans, paraît-il, vient de remporter son certificat d’études, à l’école de Janville où il joue le rôle de petit prodige. »

Mathieu continuait à s’égayer doucement.

« Bien ! bien ! je ne m’étonne plus de votre échec. Un jour que je leur conseillais d’envoyer Antonin à une école