Page:Zola - Fécondité.djvu/58

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Santerre l’interrompit, interloqué, blessé.

— Grosse ! est-ce qu’une femme devient grosse, quand elle est aimée par un homme du monde ?

— Vous ne savez pas ce qui m’indigne ? s’écria Séguin, en s’allongeant dans un fauteuil, discutant, c’est la stupide accusation qu’on porte contre le catholicisme, de pousser à ce pullulement de l’espèce, qui est une vraie saleté et une honte. Ce n’est pas vrai, et c’est ce que vous avez très bien vu dans votre livre. Vous avez écrit là des pages définitives, je vous en félicite, en bon catholique.

— Évidemment, dit Santerre, qui se jeta sur une chaise longue. Cherchez donc dans le Nouveau Testament le « Croissez et multipliez, et remplissez la terre » de la Genèse ? Jésus n’a ni patrie, ni propriété, ni profession, ni famille, ni femme, ni enfant. Il est l’infécondité même. Aussi les premières sectes chrétiennes avaient-elles horreur du mariage. Pour les saints, la femme n’était qu’ordure, tourment et perdition. La chasteté absolue devenait l’état parfait, le héros était le contemplatif, l’infécond, le solitaire égoïste, tout entier à son salut personnel. Et c’est une Vierge qui est l’idéal de la femme, l’idéal de la maternité elle-même. Plus tard seulement, le mariage fut institué par le catholicisme comme une sauvegarde morale, pour réglementer la concupiscence, puisque ni l’homme ni la femme ne peuvent être des anges. Il est toléré, il est la nécessité inévitable, l’état permis, dans de certaines conditions, aux chrétiens assez peu héroïques pour ne pas être des saints complets. Mais, aujourd’hui comme il y a dix-huit siècles, le saint, l’homme de foi et de grâce ne touche pas à la femme, la condamne et l’écarte… Ce sont les lis de Marie qui seuls parfument le ciel.

Se moquait-il ? Il y avait dans sa voix un léger rire que son interlocuteur parut ne pas entendre. Ce dernier approuvait, s’échauffait.