Page:Zola - Fécondité.djvu/59

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— C’est cela, c’est cela ! … La beauté est toujours victorieuse, et l’impérissable beauté, votre livre la montre, resplendissante : elle est la vierge intacte, en sa fleur, que pas un souffle n’a maculée, chez laquelle les ignobles fonctions génératrices sont abolies… Peut-on voir dans les rues, sans une nausée de dégoût, ces femmes souillées, éreintées, déjetées, qui traînent des queues d’enfants, telles des femelles leurs petits. Aussi le gros bon sens public en fait-il lui-même justice, plaisantant sur leur passage, les tenant en risée et en mépris.

Mathieu, qui était resté debout, se permit d’intervenir.

— Mais l’idée de beauté varie. Vous la mettez dans la stérilité de la femme, aux formes longues et grêles, aux flancs rétrécis. Pendant toute la Renaissance, elle a été dans la femme saine et forte, aux larges hanches, aux seins puissants. Chez Rubens, chez Titien, même chez Raphaël, la femme est robuste, Marie est vraiment mère… Et remarquez qu’il s’agirait justement de changer cette idée de la beauté, pour que la famille restreinte, en honneur aujourd’hui, fit place à la famille nombreuse, qui deviendrait la seule belle… Selon moi, l’unique remède décisif est là, au mal grandissant de la dépopulation, dont on se préoccupe tant aujourd’hui.

Tous deux le regardaient en souriant, d’un air de pitié supérieur.

— La dépopulation un mal ! dit Séguin. Comment ! cher monsieur, vous si intelligent, vous en êtes resté à cette rengaine ? Voyons, réfléchissez, raisonnez donc un peu !

— Encore une victime du fâcheux optimisme ! ajouta Santerre. Dites-vous, avant toute chose, que la nature agit sans discernement, et que quiconque ne la corrige pas, est sa victime.

L’un après l’autre, ils parlèrent, souvent même tous les deux à la fois. Ils s’excitaient, se grisaient, de leurs sombres imaginations. D’abord, le progrès n’existait pas.