Page:Zola - Fécondité.djvu/658

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qui rompait le lien, en une crise de brusque folie. Leur terreur, surtout, était de deviner, de se dire qu’il n’avait pas dû partir seul. Ils reconstituaient la déplorable aventure. Charlotte se souvint qu’elle avait entendu Grégoire redescendre presque tout de suite, avant même que les bonnes eussent fermé les portes. Certainement, il avait couru, rejoint Thérèse au fond de quelque broussaille, pour galoper ensuite jusqu’à Vieux-Bourg d’où le dernier train de Paris partait à minuit vingt-cinq. Et c’était bien cela, ils apprirent, dès midi, que Lepailleur menait un scandale effroyable de la fuite de Thérèse, étant allé tout de suite la crier aux gendarmes, voulant qu’on ramenât la coupable, enchaînée avec son suborneur, les menottes aux poings. Lui aussi avait trouvé une lettre dans la chambre de sa fille, une lettre brave où elle disait nettement qu’ayant encore reçu des gifles, la veille, elle en avait assez, et qu’elle partait de son plein gré, et que c’était elle qui emmenait Grégoire, assez grande fille à vingt-deux ans pour savoir ce qu’elle faisait. La furieuse colère de Lepailleur venait de cette lettre qu’il n’osait pas montrer, sans compter que la Lepailleur en guerre avec lui au sujet de leur aîné Antonin tapait rageusement sur Thérèse, ricanait en répétant que ça devait arriver, qu’il était la cause du dévergondage de cette coureuse. Ils se battirent, et le pays, pendant huit jours, parla de la fuite d’un des fils de Chantebled avec la fille du Moulin, au grand désespoir de Mathieu et de Marianne, dont le pauvre cœur meurtri souffrait surtout d’une si vilaine histoire.

Cinq jours après, un dimanche, les choses se gâtèrent encore. Comme les recherches restaient vaines, Lepailleur, ivre de rancune, monta jusqu’à la ferme ; et, du milieu de la route, sans entrer, il vomit tout un flot d’ignobles injures. Mathieu n’était justement pas là, Marianne eut grand-peine à retenir Gervais, ainsi que Frédéric,