Page:Zola - Fécondité.djvu/95

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paradis, ce déroulement sans fin de plaines rafraîchies d’obscurité, rêvant d’enfantement dans l’attente prochaine du soleil ! Et quelle santé, quelle honnêteté, quelle félicité montaient de cette nature toujours en gésine, ne s’endormant sous les rosées nocturnes que pour des réveil s triomphants, rajeunie sans cesse par le torrent de vie qui ruisselle jusque dans la poussière des chemins !

Lentement, Mathieu avait de nouveau assis Marianne sur le parapet bas et large du petit pont. Il la gardait serrée contre son cœur, c’était comme une halte de tendresse à laquelle ni l’un ni l’autre ne pouvait se refuser, devant cette invitation universelle qui leur venait des étoiles, et des eaux, et des bois, et des champs sans limites.

— Mon Dieu ! murmura-t-il, l’admirable nuit ! Qu’elle est belle et qu’elle est bonne à vivre !

Puis, après un silence de ravissement, où tous deux entendaient battre leur cœur, il dit sa journée. Elle le questionnait avec un intérêt tendre, il répondait, heureux de n’avoir pas à mentir.

— Non, les Beauchêne ne peuvent venir passer ici un dimanche. Tu sais que Constance ne nous a jamais beaucoup aimés. Leur petit Maurice souffre des jambes, le docteur Boutan était là, et l’on a encore discuté sur la question des enfants. Je te raconterai… En revanche, les Morange viendront. Tu n’as pas idée de leur joie vaniteuse à me montrer leur nouvel appartement. Avec leur idée de faire fortune, j’ai bien peur que ces braves gens ne se lancent dans quelque grosse sottise… Ah ! j’oubliais, je suis allé chez le propriétaire. Il a fini par consentir, non sans peine, à ce qu’on refît entièrement la toiture. Quelle maison encore que celle de ces Séguin ! J’en suis sorti effaré, je te dirai ça tout à l’heure, avec le reste.

Elle était, d’ailleurs, sans curiosité bavarde, attendant