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GERMINAL.

serait le clergé, lorsqu’il commanderait à la foule innombrable des travailleurs ! En une semaine, on purgerait le monde des méchants, on chasserait les maîtres indignes, ce serait enfin le vrai règne de Dieu, chacun récompensé selon ses mérites, la loi du travail réglant le bonheur universel.

La Maheude, qui l’écoutait, croyait entendre Étienne, aux veillées de l’automne, lorsqu’il leur annonçait la fin de leurs maux. Seulement, elle s’était toujours méfiée des soutanes.

— C’est très bien, ce que vous racontez là, monsieur le curé, dit-elle. Mais c’est donc que vous ne vous accordez plus avec les bourgeois… Tous nos autres curés dînaient à la Direction, et nous menaçaient du diable, dès que nous demandions du pain.

Il recommença, il parla du déplorable malentendu entre l’Église et le peuple. Maintenant, en phrases voilées, il frappait sur les curés des villes, sur les évêques, sur le haut clergé, repu de jouissance, gorgé de domination, pactisant avec la bourgeoisie libérale, dans l’imbécillité de son aveuglement, sans voir que c’était cette bourgeoisie qui le dépossédait de l’empire du monde. La délivrance viendrait des prêtres de campagne, tous se lèveraient pour rétablir le royaume du Christ, avec l’aide des misérables ; et il semblait être déjà à leur tête, il redressait sa taille osseuse, en chef de bande, en révolutionnaire de l’Évangile, les yeux emplis d’une telle lumière, qu’ils éclairaient la salle obscure. Cette ardente prédication l’emportait en paroles mystiques, depuis longtemps les pauvres gens ne le comprenaient plus.

— Il n’y a pas besoin de tant de paroles, grogna brusquement Maheu, vous auriez mieux fait de commencer par nous apporter un pain.

— Venez dimanche à la messe, s’écria le prêtre, Dieu pourvoira à tout !