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GERMINAL.

Mais il fut interrompu. Sa femme entrait à son tour, une grande femme maigre et ardente, le nez long, les pommettes violacées. Elle était en politique beaucoup plus radicale que son mari.

— La lettre de Pluchart, dit-elle. Ah ! s’il était le maître, celui-là, ça ne tarderait pas à mieux aller !

Étienne écoutait depuis un instant, comprenait, se passionnait, à ces idées de misère et de revanche. Ce nom, jeté brusquement, le fit tressaillir. Il dit tout haut, comme malgré lui :

— Je le connais, Pluchart.

On le regardait, il dut ajouter :

— Oui, je suis machineur, il a été mon contremaître, à Lille… Un homme capable, j’ai causé souvent avec lui.

Rasseneur l’examinait de nouveau ; et il y eut, sur son visage, un changement rapide, une sympathie soudaine. Enfin, il dit à sa femme :

— C’est Maheu qui m’amène Monsieur, un herscheur à lui, pour voir s’il n’y a pas une chambre en haut, et si nous ne pourrions pas faire crédit d’une quinzaine.

Alors, l’affaire fut conclue en quatre paroles. Il y avait une chambre, le locataire était parti le matin. Et le cabaretier, très excité, se livra davantage, tout en répétant qu’il demandait seulement le possible aux patrons, sans exiger, comme tant d’autres, des choses trop dures à obtenir. Sa femme haussait les épaules, voulait son droit, absolument.

— Bonsoir, interrompit Maheu. Tout ça n’empêchera pas qu’on descende, et tant qu’on descendra, il y aura du monde qui en crèvera… Regarde, te voilà gaillard, depuis trois ans que tu en es sorti.

— Oui, je me suis beaucoup refait, déclara Rasseneur complaisamment.

Étienne alla jusqu’à la porte, remerciant le mineur