Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/102

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la salle d’un air attentif & ennuyé à la fois. Elle promenait ses regards de groupe en groupe, silencieuse, tournant la tête à chaque nouveau bruit, semblant vouloir ne rien laisser échapper. Mais il y avait tant de fatigue dans son attention, que je me demandais, à voir sa face pâle & désolée, quel singulier plaisir elle pouvait ressentir pour en témoigner si peu.

À deux reprises, croyant que ma présence la gênait, je lui ai dit de me quitter, si bon lui semblait, d’aller voir ses amies, de danser en toute liberté.

— Eh ! pourquoi me lèverais-je ? m’a-t-elle répondu tranquillement. Je suis bien, je suis contente. Es-tu las de m’avoir près de toi ?

C’est ainsi que nous avons passé cinq heures face à face, dans un coin de la salle, moi dessinant sans le savoir des bonshommes sur le marbre de la table avec les quelques gouttes de liqueur tombées d’un carafon, elle gardant une gravité & un silence