Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soigneras bien, & je vivrai avec toi comme j’ai vécu avec Jacques, plus douce, plus gaie. Je suis un peu lasse, j’ai besoin d’un bon frère. Veux-tu ?

Ces paroles étaient horribles dans la bouche de la mourante, prononcées avec une tendresse alanguie. Elle gardait sa naïve impudeur jusque dans la mort, elle s’offrait sur sa dernière couche en sœur & en amante de dix ans. Je soutenais son pauvre corps comme une chair sacrée, j’écoutais sa voix ardente & basse avec une sainte compassion.

Je songeais, ne pouvant plus prier. Qu’est-ce donc que le mal ? N’étais-je pas en face d’un bien absolu ? Certes, Dieu a fait une œuvre toute bonne, toute parfaite. Le mal est une de nos inventions, une des plaies dont nous nous sommes couverts. Cette enfant qui mourait ne s’était pas plus inquiétée, dans la vie, des baisers qu’elle avait donnés à ses amants, qu’une petite fille ne s’inquiète des caresses qu’elle