Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/30

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qu’une folle rêverie ne peut le réchauffer ni le rassasier. Je veux le contenter. Je sortirai demain, non plus m’isolant en moi-même, mais regardant aux fenêtres, lui disant de choisir parmi les belles dames. Puis, de temps en temps, je le ramènerai sous le balcon préféré. Il en emportera un regard comme pâture, &, huit jours durant, ne sentira plus l’hiver. Lorsqu’il criera famine, un nouveau sourire l’apaisera.

Frères, n’avez-vous jamais rêvé qu’un soir d’automne vous rencontriez dans les blés une brune fille de seize ans ? Elle vous souriait au passage, puis se perdait au milieu des épis. La nuit, vous la revoyiez en rêve, &, le lendemain, vous preniez à la même heure le sentier de la veille. La chère vision passait, souriait encore, vous laissant un nouveau songe pour votre prochain sommeil. Les mois, les années s’écoulaient. Chaque jour, votre cœur affamé venait se rassasier d’un sou-