Page:Zola - La Débâcle.djvu/600

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l’ardent désir était de se reposer enfin, après tant de mois de fatigue. Les prisonniers, qu’on ramenait d’Allemagne et qu’on incorporait, ne dérageaient pas contre Paris ; et il y avait encore les récits des abominations de la Commune, qui le jetaient hors de lui, en blessant son respect de la propriété et son besoin d’ordre. Il était resté le fond même de la nation, le paysan sage, désireux de paix, pour qu’on recommençât à travailler, à gagner, à se refaire du sang. Mais surtout, dans cette colère grandissante, qui emportait jusqu’à ses plus tendres préoccupations, les incendies étaient venus l’affoler. Brûler les maisons, brûler les palais, parce qu’on n’était pas les plus forts, ah ça, non, par exemple ! Il n’y avait que des bandits capables d’un coup pareil. Et lui dont les exécutions sommaires, la veille, avaient serré le cœur, ne s’appartenait plus, farouche, les yeux hors de la tête, tapant, hurlant.

Violemment, Jean déboucha dans la rue du Bac, avec les quelques hommes de son escouade. D’abord, il ne vit personne, il crut que la barricade venait d’être évacuée. Puis, là-bas, entre deux sacs de terre, il aperçut un communard qui remuait, qui épaulait, tirant encore dans la rue de Lille. Et ce fut sous la poussée furieuse du destin, il courut, il cloua l’homme sur la barricade, d’un coup de baïonnette.

Maurice n’avait pas eu le temps de se retourner. Il jeta un cri, il releva la tête. Les incendies les éclairaient d’une aveuglante clarté.

— Oh ! Jean, mon vieux Jean, est-ce toi ?

Mourir, il le voulait, il en avait l’enragée impatience. Mais mourir de la main de son frère, c’était trop, cela lui gâtait la mort, en l’empoisonnant d’une abominable amertume.

— Est-ce donc toi, Jean, mon vieux Jean ?

Foudroyé, dégrisé, Jean le regardait. Ils étaient seuls, les autres soldats s’étaient déjà mis à la poursuite des